Savoir-faire ancestral sur impressions modernesSavoir-faire ancestral sur impressions modernes

Savoir-faire ancestral sur impressions modernes

Savoir-faire ancestral sur impressions modernes

Situé dans le quartier de Suido, dans l’arrondissement de Bunkyo à Tokyo, l’atelier Takahashi Kobo a été établi à la fin de l’époque Edo, pendant l’ère Ansei (1854-1860). Il préserve depuis plus de 160 ans la tradition des estampes sur bois d’Edo. Lorsqu’il a ouvert, l’atelier ne faisait que des impressions, mais il a ensuite évolué pour se transformer en véritable éditeur assurant toutes les étapes, de la planification à la production et à la vente.

Sur l’une des estampes réalisées en collaboration avec Noritaka Tatehana lors de l’exposition Edo Tokyo Rethink 2022, représentant l’éclair, Takahashi Kobo faisait revivre trois procédés d’impression traditionnels transmis depuis l’époque Edo :kara-zuri, une technique de gaufrage sans application de peinture ;shomen-zuri, une technique de lustrage du papier à l’aide d’un bloc, etkira-zuri, l’application de poudre de mica, pour produire un effet scintillant.

La deuxième œuvre de l’an dernier était une estampehoso-e(imprimée en rouge uniquement) colorée avec le pigmentbenide la maison Isehan-Honten, également établie depuis l’époque Edo. L’estampe était représentative de la crise sanitaire du Covid-19, car les Japonais d’autrefois pensaient que ces images avaient le pouvoir de protéger contre les maladies (hososignifie « variole »).

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Initialement, les estampes d’Edo avaient un rôle proche du magazine et informaient sur les tendances de l’époque. Grâce à la rencontre avec Noritaka Tatehana, celles de l’exposition 2022 ajoutaient à cela une ouverture sur l’art moderne japonais. Elles ont été choisies pour entrer dans la collection du Musée Victoria and Albert à Londres.

Noritaka Tatehana a été inspiré par l’association de l’estampe d’Edo avec le pigmentbeni, deux techniques trouvant leurs racines dans la tradition artisanale de l’époque Edo, et par le fait d’avoir pu présenter au Japon comme à l’étranger la culture traditionnelle nippone « repensée » pour s’adapter à notre temps. C’est ce qui l’a poussé à se lancer dans le défi « Duality Painting », où il transpose ses peintures en estampe, pour une nouvelle expression.

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L’artiste combine souvent des éléments opposés dans une même image, par exemple la vie et la mort, ou encore la terre et le ciel. Et il produit habituellement des œuvres en trois dimensions. « L’estampe nécessite plusieurs matrices pour réaliser une seule œuvre, donc la méthode correspondait bien à ce que je voulais exprimer avec Duality Painting, le dualisme et l’affinité entre des concepts opposés sur la surface plane d’une simple feuille de papier », explique Noritaka Tatehana.

Pourtant, représenter deux facettes sur une même estampe n’a pas été une tâche facile. Pour son œuvre, l’artiste a utilisé quatre blocs de bois, dont trois gravés sur les deux faces. Il a fallu davantage de patience et d’habilité qu’il ne l’imaginait pour appliquer les couleurs, plus nombreuses que les blocs, et obtenir les teintes vives et les nuances désirées.

Avec Yukiko Takahashi, qui a repris la direction de l’atelier Takahashi Kobo dans le sillage de cinq générations d’artisans, ils ont dû discuter à maintes reprises avant de parvenir à trouver la nuance et le dégradé qui leur convenaient.

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« C’est une œuvre très délicate, donc nous avons accordé le plus grand soin au rendu des couleurs, au choix du papier, etc. Nous avons imprimé les parties noires du haut et du bas de l’image à l’aide de matrices différentes. Pour le bleu, nous avons appliqué plusieurs impressions pour obtenir un dégradé harmonieux et fluide. Dans ce cas, il faut maintenir le papier sur son support entre deux impressions pour éviter un décalage sur le dessin.

Par ailleurs, plus on fait d’impressions et plus le papier risque de s’abîmer. On pourrait penser qu’il suffirait donc d’utiliser un papier plus épais, mais ça n’était pas possible. Puisque l’objectif était à la fin de plier l’estampe en accordéon, nous avons mis la priorité sur le choix d’un papier qui se plie facilement pour obtenir un fini propre. » (Yukiko Takahashi)

Une fois l’estampe imprimée, elle a été livrée à l’atelier de Noritaka Tatehana. L’artiste a apporté la touche finale en la pliant en accordéon, comme un origami.

L’estampe est exposée au Kantoku-tei (littéralement, le pavillon où l’on s’immerge dans la vertu). L’édifice a été nommé ainsi par Nobuatsu Hayashi, une grande figure du confucianisme pendant l’ère Kyoho (1716-1736) au milieu de l’époque Edo. Elle n’est pas encadrée comme le sont les estampes ordinaires, mais placée dans une boîte transparente, pour permettre aux visiteurs de l’observer depuis la gauche et la droite et d’en haut.

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Yukiko Takahashi souligne la particularité de cette œuvre collaborative : « D’habitude, les estampes d’Edo sont toujours planes en deux dimensions, mais j’ai beaucoup aimé l’idée d’en faire un objet à admirer en trois dimensions. »

Takahashi Kobo aura encore bien d’autres nouveaux défis à relever dans ses futurs projets, notamment à l’approche des évènements qui marqueront les 45 ans de l’Association pour la protection des techniques de gravure et d’impression des estampesukiyo-e, un organisme habilité par l’Agence nationale de la culture, dont Mme Takahashi est vice-présidente.

Le savoir-faire ancestral hérité de l’époque Edo jusqu’à nos jours n’a pas fini de s’affiner et de progresser !

Savoir-faire ancestral sur impressions modernes

Photo by GION


Special Movie

Noritaka Tatehana x Edo Moku-hanga Takahashi Kobo


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