Donner un nouveau souffle aux techniques ancestrales inspirées par la nature
2023.03.31
LIFEL’art dukumikoconsiste à assembler différentes pièces de bois minutieusement travaillées au rabot, pour former un treillage.
Lekumikos’est développé pendant l’époque Edo (1603-1868), où l’évolution des techniques de menuiserie combinée aux progrès des forgerons fabriquant les outils a permis de créer des réalisations plus raffinées. Mais on pense que les premières origines de cet artisanat remontent de l’époque Heian (794-1185).
Pendant la période Asuka (VIe et VIIe siècles), la porte en bois massif de l’édifice principal du temple Horyu-ji, à Nara, avait été réalisée en un seul plateau d’un mètre de large et deux mètres de haut, provenant d’un cyprès du Japon de plus de mille ans. Pourtant, il n’était pas possible d’utiliser systématiquement d’aussi grandes pièces de bois, c’est pourquoi les techniques de menuiserie ont évolué vers des constructions combinant plusieurs pièces de taille plus petite.
Les artisans ont également réalisé que le fait d’associer des éléments multiples évitait les déformations. Ces techniques de menuiserie ont donc pris racine dans l’environnement particulier du Japon. Lekumikorépertorie plus de 200 types de motifs, dont beaucoup sont inspirés par la nature et les quatre saisons, et imitent par exemple les plantes ou les flocons de neige. Cet artisanat unique au Japon s’est transmis de génération en génération jusqu’à nos jours.
L’atelier Tatematsu a été établi par Matsuo Tanaka, qui a commencé son apprentissage de menuisier à 15 ans et pris son indépendance en 1982. Son fils Takahiro est diplômé d’architecture. Il a quitté son entreprise de conseil en urbanisation il y a une vingtaine d’années pour revenir se former au kumiko auprès de son père.
Il confie que sa décision n’était pas vraiment le fruit d’une réflexion profonde, mais qu’il souhaitait tout simplement préserver l’affaire familiale : « Je crois que lekumikocorrespondait mieux à ma personnalité. En développement urbain, les processus s’étalent sur plusieurs décennies. Mais avec lekumiko, on travaille en étant à l’écoute du commanditaire qui nous fait part de ses attentes. Nos réalisations sont basées sur les techniques et les connaissances que l’on maîtrise. Et puis le sourire des clients devant l’objet terminé est irremplaçable. Dans ces moments, je me sens heureux. »
Takahiro Tanaka souligne que la demande augmente plus que jamais : « Même si nos affaires marchent bien actuellement, je pense qu’il y aura forcément un ralentissement. Je ne veux pas m’arrêter aux belles paroles sur l’importance de préserver les traditions, je souhaite aussi créer de nouvelles choses, et entretenir la “passion” pour aller toujours plus loin techniquement parlant. Si j’ai participé à cette édition du Projet Edo Tokyo Kirari, c’est parce que je voulais entrer en contact avec des idées qui ne venaient pas de moi. »
Les motifs qui ont été choisis pour la collaboration avec Noritaka Tatehana, la feuille de chanvre et la campanule encadrée dans une matrice en carapace de tortue, sont tous deux considérés depuis les temps anciens comme efficaces pour éloigner les mauvais esprits. Les thèmes du nuage et de l’éclair de l’artiste viennent se superposer harmonieusement au treillage.
Sur l’œuvre réalisée avec l’atelier Takahashi, Noritaka Tatehana a transposé son concept « Duality Painting » au format de l’estampe, en associant des éléments opposés – la vie et la mort, le ciel et la terre – sur une même feuille de papier. Dans sa collaboration avec Tatematsu, similairement, il joue avec la superposition de plusieurs plans pour rassembler des mondes contrastés.
« Je crois que c’est l’œuvre qui met le plus en avant le travail manuel dans cette édition. Nous n’étions pas sûrs de ce qu’allait donner le résultat final, mais nous savions que l’éclair, également symbole protecteur contre les mauvais esprits, s’accorderait avec lekumiko. En fin de compte, le contraste entre la finesse du treillage et les couleurs éclatantes appliquées par le pinceau est remarquable. » (Noritaka Tatehana)
L’œuvre est exposée près du pavillon Kantoku-tei, sur le site des vestiges du Saigyo-do.
Le temple aurait été érigé par le fondateur du clan Mito, Tokugawa Yorifusa, et abritait une statue de bois de Saigyo, célèbre moine et poète du XIIe siècle. Les piliers et le toit du bâtiment se sont effondrés pendant le grand séisme du Kanto en 1923 et la statue a disparu dans les incendies. Le temple a été reconstruit par la suite, mais de nouveau réduit en cendres par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, il ne reste que les fondations de pierre, la stèle dédiée à Saigyo, et les deux sculptures des lions gardiens du lieu, qui ont résisté aux intempéries durant tant d’années.
La verdure abondante autour du site filtre les rayons du soleil. Le verre reflète les ombres des branches et des feuillages, qui produisent une expression constamment changeante. Les œuvres d’art sont généralement exposées à l’abri de la lumière, du vent et de la pluie. Installées ainsi dans un cadre naturel, elles dévoilent un charme nouveau, qui était l’une des réussites de cette exposition.
Photo by GION
Special Movie
Noritaka Tatehana x Edo Kumiko Tatematsu
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