L’érotisme intemporel du shunga d’hier et d’aujourd’hui

L’érotisme intemporel du shunga d’hier et d’aujourd’hui

L’exposition de shunga organisée en 2013 au British Museum avait connu un accueil très favorable. Au Japon, où le sujet a longtemps été tabou, la première exposition à avoir été organisée en 2015, au musée Eisei Bunkō, a rencontré un succès inédit qui a permis d’élever au rang d’art la discipline du shunga.
En mars 2021, une nouvelle exposition d’estampes érotiques a fait parler d’elle : cet événement organisé au Spiral Room de Minami-Aoyama s’intitulait « Shunga contemporain : “Harugomori” Sugawa Makiko + Torii Kiyonaga ». Il présentait des « shunga de l’ère Reiwa » réalisés par une artiste contemporaine aux côtés de chefs-d’œuvre érotiques de l’époque d’Edo.
Le studio organisateur de l’événement, Takahashi Kōbō, a fait revivre de nombreux chefs-d’œuvre de l’ukiyo-e dans son atelier, qui lui sert à la fois à graver les plaques de bois qui vont servir à lithographier les estampes, puis à les réaliser sur le papier. Depuis plusieurs années, le studio travaille avec les membres de la coopérative de gravure sur bois d’Edo, qu’il préside, afin de recréer le « Sodenomaki » de Kiyonaga Torii, une série d’estampes connues comme l’un des trois shunga les plus célèbres du Japon.
« J’ai toujours voulu faire du shunga, et puis je suis tombée sur les “Sodenomaki” lors de l’exposition du British Museum. J’avais gardé à l’esprit les enseignements de mon père quant au rôle primordial de l’élégance dans le shunga, et je me trouvai là devant un parangon du genre », déclare la représentante du studio Yukiko Takahashi. Elle dit avoir eu l’impression que cette série de shunga, qui présente les étreintes d’un homme et d’une femme dans un audacieux cadrage horizontal, réduisant l’arrière-plan et le superflu au strict minimum, recélait des éléments littéraires traduisant précisément la relation entre les personnages, jusqu’à leur humidité.

L’érotisme intemporel du shunga d’hier et d’aujourd’hui

Une fois achevée la recréation de six des douze estampes, un producteur lui a suggéré d’exposer ce travail avec des shunga contemporains. Elle a alors tout de suite pensé à Makiko Sugawa, une illustratrice japonaise très active au plan international.
« Son style élégant et épuré me plaisait beaucoup. Comme je voulais qu’elle stimule l’imagination du visiteur, je lui ai demandé d’éliminer le superflu dans ses compositions. »
En ne retenant pour ses estampes qu’un seul personnage, une femme, il en résulte un shunga moderne, comme cette estampe représentant une femme allongée à demi nue, les yeux bandés, un smartphone à côté d’elle : l’absence d’éléments périphériques encourage en effet toutes sortes de fantasmes. L’utilisation délicate de la dentelle est une constante de l’œuvre de Sugawa, mais aussi une vitrine des techniques lithographiques sur bois telles qu’on les pratiquait à Edo.
« L’exposition simultanée de shunga d’hier et d’aujourd’hui a créé une synergie entre eux, et je pense que les visiteurs ont bien senti comment cet érotisme transcendait les époques. » En effet, la salle d’exposition n’a pas désempli, avec parmi les visiteurs, beaucoup de jeunes femmes et de couples. Mme Takahashi espère pouvoir organiser à l’avenir une deuxième, voire une troisième exposition de shunga contemporain, mue par un désir ardent de « diffuser la culture du shunga et de faire perdurer les techniques traditionnelles [de gravure et d’impression] en les transmettant aux générations futures ».

L’érotisme intemporel du shunga d’hier et d’aujourd’hui

Titres de peinture (ci-dessus):
Kiyonaga Torii, « Sodenomaki Tenarai »

Kiyonaga Torii, « Sodenomaki Ageboshi-no-Okujyotyu »

« Harugomori (smartphone) », de Makiko Sugawa
Dessin : Makiko Sugawa 
Impression traditionnelle d’une plaque de bois gravée à la main.
Gravure : 12 points ; lithographie : 14 points.
Graveuse : Saeko Baba. Lithographe : Noriyasu Hayata.
Planification et production : Takahashi Kōbō, Tōkyō.