L’élégance d’Edo, toujours en évolution
2023.03.31
LIFELekumihimoa une histoire très ancienne : le prince Shotoku (574-622) serrait ses vêtements d’apparat à l’aide de ces cordons tressés. Cet artisanat a été introduit au Japon pendant la période Asuka (VIe et VIIe siècles) en même temps que le bouddhisme, depuis le continent asiatique.
Par la suite, les Japonais l’ont fait évoluer de façon unique. À l’époque Kamakura (1185-1333), leskumihimoont commencé à être utilisés sur les armures et les épées, et à la fin de l’époque Edo (1603-1868), lesobijime(cordon noué sur la ceinture du kimono) étaient fabriqués en grande quantité.
L’atelier Ryukobo a été établi en 1889. Les artisans utilisent plus d’une centaine de tressages traditionnels pour produire des motifs différents :mitake-gumi,kara-kumi,marugenji-gumi,yurugi-gumi,suruga-gumi,yotsu-gumi,yatsu-gumi,etc.
Ils reproduisent également des cordons vieux de près de huit siècles que l’on trouvait sur leskakemamori, des amulettes portées autour du cou, ou sur les armures. Depuis plus de 130 ans, l’atelier protège et transmet les techniques et la culture dukumihimo, mais il n’hésite pas pour autant à se lancer dans de nouveaux défis. Ryukobo a notamment fabriqué les rubans des médailles, lorsque le Japon a accueilli la Coupe du monde de rugby 2019.
Cette année, Ryukobo collabore avec Noritaka Tatehana pour la troisième fois. L’atelier avait produit des cordons carrés selon une technique originale mise au point à l’occasion de l’exposition Edo Tokyo Rethink 2022. Non seulement l’endroit et l’envers sont de couleurs différentes, incarnation du chic selon l’époque Edo, mais en plus les cordons sont noués exactement tous les 60 millimètres, pour une texture en relief tout à fait unique.
Cette année, Noritaka Tatehana a de nouveau utilisé lekumihimopour décorer des cuissardes sur le modèle de ses fameuses chaussures sans talons, créations originales de l’artiste qui restent inimitées depuis leur sortie en 2012.
Les cuissardes de cette année sont radicalement différentes des chaussures de 2022, avec une hauteur de 80 centimètres. Elles donnent l’impression de voir une paire de jambes directement fondue dans ses chaussures, le rouge des cordons rendant l’œuvre encore plus captivante.
Il a fallu 120 rangées de cordons par botte. Ryuta Fukuda de Ryukobo, et Noritaka Tatehana ont terminé l’œuvre juste à temps pour l’exposition.
Lorsque nous avons interrogé l’artisan sur cette collaboration, il a simplement répondu : « Je trouve que c’est un accomplissement ! »
« Nous avons réalisé 120×9=1080 et 120×8=960 nœuds, soit au total 2040 ! Avec un nombre pareil, il faut impérativement être précis, sinon le moindre décalage va se répercuter et devenir irrécupérable. Ça n’était pas facile de rester concentré tout le long pour éviter ce problème, mais en voyant le résultat, j’ai été comme transporté dans une autre dimension. Ça dépassait ce que j’avais imaginé et j’étais très étonné. C’est ma propre interprétation, mais j’ai trouvé que la portée de l’œuvre était différente des chaussures sans talons habituelles de Noritaka Tatehana et que ce format-là semblait encore mieux refléter son idéal. »
L’œuvre de cette année est non seulement plus imposante en taille, mais les nœuds qui ornent les chaussures sont aussi différents. Pour l’exposition de 2022, l’artiste avait utilisé un cordon plat et épais à nouer à l’avant des chaussures, mais cette fois, il a opté pour un cordon rond noué à l’arrière. L’avant et l’arrière des cuissardes offrent des impressions très différentes, et c’est justement ainsi que leskumihimojouent leur rôle.
Les chaussures sans talons sont exposées non loin de l’entrée est du jardin, devant la porte Kara-mon.
La porte avait été détruite par le feu lors des bombardements de 1945 et seuls les escaliers et la structure en pierre avaient été épargnés. Des travaux de reconstruction ont démarré en 2019 et se sont terminés l’année suivante. L’imposante embrasure de la porte sert de cadre aux chaussures sans talons et fait émerger un espace à part, hors du temps.
Depuis qu’il a percé le monde artistique avec le projet Edo Tokyo Kirari, lekumihimoattire de plus en plus l’attention à l’étranger. L’atelier Ryukobo reçoit davantage de demandes de collaborations, et si Ryuta Fukuda se réjouit pour l’avenir, il ressent également un sentiment de crise :
« Le nombre de sériciculteurs (éleveurs de vers à soie) ne cesse de diminuer au Japon. Pour tenter de remédier à ce problème, nous avons créé l’Association de la sériciculture d’Edo. Avec l’aide de nombreux autres acteurs, nous intervenons ainsi dans des écoles primaires et proposons aux élèves d’expérimenter les différentes étapes du processus, de la culture des feuilles de mûrier au filage et au tissage. Dans ce contexte, le fait d’avoir utilisé de la soie pure pour cette magnifique paire de chaussures sans talons a beaucoup de sens pour notre secteur d’activité. »
Photo by GION
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Noritaka Tatehana x Tokyo Kumihimo Ryukobo
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